跳至內容

藝評


Quatre décennies d’art contemporain chinois
敖樹克 (Gerard HENRY)
at 2:43pm on 7th March 2022


Caption:
Zhang Xiaogang (PRC), Bloodline series, Sigg Collection, Courtesy M+, Hong Kong

 

L’un des points forts du nouveau musée M+ de Hong Kong, est la Collection M+ Sigg, don d’Uli Sigg, hommes d’affaires et ancien ambassadeur de Suisse en Chine, seule exposition qui tente de reconstituer les grandes étapes de l’histoire de l’art contemporain chinois des années 1970 aux années 2000.

 

L’apparition des Etoiles «du sel ajouté à un art sans saveur»

S’il faut donner une date fondatrice à l’explosion de l’art contemporain sur le continent chinois, on ne peut penser qu’au 27 septembre 1979, date à laquelle, à la veille du 30e anniversaire de la République populaire de Chine, la douzaine d’artistes du groupe Xin Xin, « les Étoiles », firent une exposition sauvage de leurs œuvres qu’ils accrochèrent aux grilles entourant la Galerie d’Art de Pékin. Exposition annulée deux jours plus tard par la police, mais suivie le 1er octobre, jour de la fête nationale, d’une marche de protestation, la première du genre. C’était un véritable acte de défi de leur part, une volonté de montrer que l’art appartenait aux artistes et au peuple et non au parti, qu’il n’était pas non plus un simple objet de divertissement et de jouissance, mais selon ces artistes un moyen de dire la vérité et aussi d’influencer la réalité. C’était un acte de courage.

 

Les années 80 : l’ouverture à l’Occident

Les années 1980 sont une période de questionnement, d’enrichissement, de découverte. En l’espace d’une dizaine d’années vont déferler sur la jeunesse intellectuelle chinoise toutes les dernières recherches philosophiques, littéraires, artistiques et esthétiques entreprises en Occident. En art plastique, le réalisme enseigné par les tenants de l’école soviétique qui jusqu’alors fortement influencé le réalisme révolutionnaire maoïste commence à perdre pied : les artistes y introduisent des éléments expressionnistes, symboliques et même philosophiques. C’est à cette époque que se développe également un certain théâtre de l’absurde avec des écrivains tels que Gao Xingjian, le futur prix Nobel de littérature (qui vit aujourd’hui en France). Les conversations tournent autour de Hegel, de Sartre mais aussi de Duchamp, de Barthes et de Derrida qui auront une forte influence sur cette génération née dans les années 1950. Le surréalisme, Dada et le Pop art américain laissent leur marque. Ils serviront d’outil pour briser les carcans de l’art ancien.

On peut se demander comment ces artistes ont pu assimiler un tel volume d’informations. Wang Guangyi, la figure de proue du Pop Art Politique chinois nous donne quelques éléments de réponse. Né en 1956 à Harbin, trop jeune pour avoir participé à la Révolution culturelle mais assez vieux pour avoir été envoyé à la campagne en 1974 pour trois ans, il dévore d’abord la littérature occidentale de ses aînés comme Jean-Christophe de Romain Rolland (dont il connaît des passages par cœur) ou Martin Eden de Jacques London, avant de découvrir Marcel Duchamp et Derrida. « A la bibliothèque l’école des Beaux-Arts du Zhejiang, je suis resté des heures sans relever la tête, tantôt faisant de l’expressionnisme, tantôt faisant du Matisse, du Cézanne ou du Picasso. En deuxième année je me suis calmé en commençant les classiques, copiant Ingres, De Vinci, Michel Ange et Poussin ». Le mythe est analysé, déconstruit, détruit. Le chemin de Wang Guangyi a sa logique interne : découverte des modernistes, remontées aux sources classiques, imitation, analyse, rejet, libération. Il se replonge alors dans la réalité chinoise et entreprend ce travail iconoclaste qui visera l’idole du jour, Mao, et l’idéologie de la Révolution culturelle.

 

La Nouvelle Vague 1985 et le Pop Art Politique

Le Pop Art Politique chinois (baptisé ainsi par le critique d’art chinois Li Xianting) est très médiatisé par un Occident avide de tout ce qui semble défier le carcan communiste. Il est une bouffée d’air frais, une libération par rapport au passé, le politique ainsi tourné en ridicule devenant plus léger. Il détourne grâce au Pop Art emprunté aux Etats-Unis les images de propagande de la lutte des classes de la Révolution communiste en les mariant à celles de la nouvelle société de consommation pénétrant en Chine (Wang Guang Yi,). En banalisant le portrait de Mao, en le fleurissant de manière décorative, il contribue aussi à cette époque de façon contradictoire à sa popularité renaissante (Yu Youhan, Li Shan). Le mouvement reste en fait à la superficie des choses et évite tout débat en profondeur sur l’héritage du maoïsme, mais il est par contre un art festif et libérateur, prometteur d’un changement de société. Ces artistes formeront ce qu’on appellera la Nouvelle Vague 85.

D’autres artistes questionnent leur héritage culturel de façon plus profonde et cela en travaillant sur le vecteur de la tradition et de la civilisation chinoises et de son unité : la langue écrite. Xu Bing, sans doute l’un des artistes les plus intéressants de sa génération, a dans son Livre du Ciel (1987-1991) sculpté des milliers de caractères et les a imprimés et reliés en 300 volumes à la façon des anciens livres chinois avec cependant une différence : personne ne peut les lire car il les a totalement créés, inventant des caractères chinois tronqués, un acte de nihilisme peut-être à la Dada, mais surtout une façon de refuser et de mettre en question une tradition jusque-là incontestée.
A côté de cela, Zhang Xiaogang nous donne dans ses portraits de famille, icônes aux visages lisses, efféminés et émasculés par ce qui semble être une trop grande consanguinité, une image d’une famille révolutionnaire idéale – tous frères et sœurs comme issus d’un même clone – mais exsangue.

 

L’après-Tiananmen : le «réalisme cynisme»

Puis viendra la violente répression du mouvement étudiant de Tiananmen, le 4 juin 1989 qui frappera les esprits et engendrera une vraie rupture qui forcera beaucoup d’artistes à travailler underground ou à exposer à l’étranger.
Qu’y voit-on ? L’absurde, la négation de toute individualité, l’homme réduit à un cri ou à un rire idiot dans les personnages surréalistes aux énormes têtes rasées de Fang Lijun. La corruption de la société et de l’homme chez des artistes comme Liu Xiaodong ou Liu Wei dont les portraits de son entourage, parents, enfants, semblent porter tous les stigmates de la dégénérescence. Un constat déshumanisé, un regard froid et indifférent dans les scènes réalistes de la vie quotidienne de Song Yonghong et de Zeng Fanzhi où le banal côtoie le sordide.
Cette peinture révèle aussi une fascination pour le portrait – les visages et les corps, la nudité – sujets rarement traités dans la peinture traditionnelle où l’homme n’apparaît que par la trace qu’il laisse sur son passage. A voir ces œuvres, on comprend que non seulement les idéaux révolutionnaires ne sont plus que des épouvantails mais que les valeurs ancestrales qui constituaient le tissu de la culture chinoise sont en pleine décomposition.

 

1995-2012 : l’internationalisation

C’est aussi dans ces années, 1995-2012, que la scène artistique chinoise se transforme radicalement : des nouveaux moyens d’expression deviennent prédominants dans l’art contemporain comme la photographie et la vidéo. Les artistes chinois participent pour la première fois à la biennale de Venise en 1993, et beaucoup sont exposés dans de grands musées comme Cai Guo-Qiang (Lion d’or en 1999 à Venise), qui bénéficie en 2006 d’une grande rétrospective au Guggenheim de New York. Ces artistes qui s’internationalisent sont plus concernés par des problèmes de société, d’urbanisme et d’environnement : ils se confrontent moins directement au pouvoir que leurs ainés des années 1970 et 1980. Il y a cependant des exceptions de taille comme l’artiste, architecte, réalisateur et activiste Ai Wei Wei, (membre du groupe des Étoiles, parti aux États-Unis en 1989 et revenu en Chine en 1993) dont les performances et immenses installations, non dénuées de grande publicité, dénoncent les travers et scandales de nos sociétés, la dépersonnalisation de l’individu, la corruption, le scandale des réfugiés…
Il existe évidemment au sein de la communauté artistique chinoise des milliers d’autres artistes engagés sur d’autres chemins comme le renouveau de la peinture à l’encre et les arts multimédia. Si la sélection de la collection Sigg en omet de nombreux, elle a le mérite de donner un bon aperçu de l’évolution de l’art chinois contemporain depuis les années 1970.

MUSEE M+, WEST KOWLOON CULTURAL DISTRICT,HONG KONG

 

 



作者搜尋:

TOP